Posturothérapie : le journal de la posturologie de Lisbonne

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mercredi, décembre 29, 2004

17/ Dyslexie : un pionnier en posturologie et proprioception



"La dyslexie se définit comme la difficulté à lire: Vaste problème, mais en même temps notion qui s'avère très insuffisante. En effet, notre expérience clinique nous a toujours montré que la dyslexie n'existe pas comme entité clinique isolée. Au contraire, elle s'intègre dans un ensemble de signes cliniques. Ainsi la dyslexie se présente comme la perturbation d'une fonction, celle de la lecture. Mais elle ne constitue pas une maladie autonome, qui serait à part dans l'ensemble des autres fonctions de l'organisme humain.


Un trouble en progression inquiétante :

La dyslexie et les difficultés d'apprentissage qui l'entourent affectent plus de 10 pour cent de la population scolaire. Cette constatation mérite une réflexion profonde devant les graves conséquences de ce dysfonctionnement. La fréquence de la dyslexie est passé de 3% à plus de 10% en une trentaine d'années. Ceci nous oblige à douter de l'idée courante que la dyslexie est une maladie d'origine organique.

Par ailleurs, si l'ophtalmologie s'intéresse uniquement aux troubles oculaires, nous arriverions rapidement à occulter le rapport entre ophtalmologie et dyslexie. Pas contre, si nous considérons l'ophtalmologie comme la science de la vision, les rapports deviennent beaucoup plus évidents. C'est toute la différence entre sensation et perception. Derrière les yeux, c'est le cerveau qui voit. Et la vision devient impossible si le cortex visuel ne fonctionne pas, mais aussi quand l'image corticale n'arrive pas au niveau de la conscience.

Quand une image arrive au cortex visuel, elle doit être reconnue, accommodée et enregistrée. Lire signifie, avant tout, décoder une image. Cela suppose l'existence d'un mécanisme cérébral de décodage. Une perturbation de ce mécanisme conduit à un défaut de décodage, donc à un trouble de la lecture, c'est à dire la dyslexie.

Le travail de l'ophtalmologiste doit-il se terminer quand il est capable de faire arriver à la rétine une image nette? ou, dans une conception moins restrictive, de faire arriver cette même image jusqu'au cortex visuel?. Ce travail doit-il se prolonger encore au-delà, c'est à dire aller jusqu'aux systèmes de décodage? Par ailleurs, le cortex visuel n'est pas la seule partie du cerveau intéressée par le système visuel.
L'ophtalmologiste sait qu'il y a des centres oculogyres dans le lobe frontal, région anatomiquement opposée au cortex visuel. Le coliculum supérieur, les voies optiques secondaires, les noyaux des nerfs oculomoteurs sont localisés dans des zones intermédiaires de la géographie cérébrale. La clinique montre qu'une perturbation du lobe pariétal peut produire des troubles dans la forme et la dimension de l'image. Tout ceci signifie que les localisations cérébrales concernant la vision sont, en fait, beaucoup plus amples que ce à quoi nous pensions habituellement.


Des acquisitions nouvelles importantes :

La perception d'un objet n'est-elle pas en relation avec la perception de l'espace?
En 1977, Martins da Cunha nous a montré que la manipulation de certains muscles squelettiques était capable de changer la localisation figurée de l'image dans l'espace?
Dix ans plus tard, J.P. ROLL et R. Roll ont montré qu'il est possible de faire déplacer la perception de l'image d'un objet fixe en stimulant par un vibreur différents muscles squelettiques: La direction du mouvement illusoire de l'image est en rapport avec le sens d'action du muscle stimulé. Tout ceci nous force à modifier les anciennes conceptions sur la vision et à assimiler des nouvelles notions.

En la cernant de plus près, la notion de dyslexie s'est aussi modifiée. Dyscalculie, dysorthographie, surdité de perception, dyslalie, perte de capacité d'attention : ce cortège qui accompagne la dyslexie rend obsolète l'idée de la considérer comme une maladie autonome ou organique. Nous en sommes venus à considérer la dyslexie comme un dysfonctionnement.
Mais quel est le système dont le dérèglement est susceptible de produire une dyslexie?

L'examen de l'enfant dyslexique montre qu'il localise mal les différents segments de son corps. Il rate le test oeil-main. Quand nous mettons ses pieds en position parallèle, il a la sensation de forte absence de parallélisme. Les muscles squelettiques mis en position neutre donnent à l'individu la sensation d'être contracturés. L'étude de la convergence tonique oculaire montre un déficit très net au point de vue objectif, mais l'individu a la sensation d'avoir ses yeux trop en convergence.

Le seul système global capable de donner en simultané toutes ces fausses sensations est le système proprioceptif. Dans ce contexte, il paraît ainsi évident que la dyslexie est une maladie qui a son origine dans un dysfonctionnement du système proprioceptif.


La clé capable de reprogrammer :

Le support organique du système proprioceptif au niveau musculaire est situé au niveau des fibres de contraction lente des muscles striés; Et pas seulement les fibres toniques des muscles squelettiques, mais aussi les fibres toniques des muscles oculomoteurs. Au sein de ce système global, il s'avère que les muscles oculo-moteurs jouent un rôle important. C'est la raison pour laquelle l'ophtalmologiste doit intervenir. Il est possible d'utiliser la "clé" visuelle dans le traitement de l'enfant dyslexique .

Deux méthodes fondamentales se complètent pour corriger le système proprioceptif :
- La reprogrammation posturale,
- La relaxation des muscles oculomoteurs.


Cette deuxième "clé" intéresse plus particulièrement l'ophtalmologiste. Elle s'obtient par l'action de verres prismatiques de faible puissance (jusqu'à 4 dioptries prismatiques).

Leur action est évidente en clinique. Quand un individu dyslexique porte ses prismes, leur action se fait sentir sur le tonus des muscles oculomoteurs, mais aussi sur tous les muscles squelettiques de la même famille proprioceptive. Martins da Cunha nous a montré que les points douloureux à la palpation digitale sur les muscles squelettiques disparaissent au moment du port de prismes posturaux.

En présence de dyslexie, la cartographie cérébrale indique des hauts niveaux de microvoltage (absolute power) qui ressemblent à ceux du syndrome de déficience posturale. C'est dans les basses fréquences (ondes Delta et Teta) que ce haut niveau de microvoltage se manifeste . La coordimétrie montre des troubles de localisation visuelle incompatibles avec une interprétation classique du tracé, mais parfaitement compréhensibles quand on les interprète comme la conséquence d'une déficience de l'introduction des données proprioceptives des muscles oculomoteurs.

La reproduction visuelle de la "figure complexe de Rey "(bien connue des orthophonistes) montre des troubles importants aggravés dans la reproduction de mémoire.

La correction par prismes posturaux montre une tendance à la normalisation. L'individu commence progressivement à lire sans perturbation, sa capacité d'apprentissage augmente, mais il faut détecter les informations mal interprétées pour les corriger.

Conclusion

L'aide au contrôle des troubles de la proprioception, y inclus la dyslexie, est aujourd'hui aux mains de l'ophtalmologue.
Pour y arriver, il doit connaître le mode de fonctionnement du système proprioceptif et les règles de prescription des prismes posturaux. Il doit comprendre aussi que le système proprioceptif est un système global possédant plusieurs entrées d'information interdépendantes.
L'entrée visuelle est une des plus importantes. Pour rendre compatibles toutes les informations provenant des différentes entrées, il faut connaître la technique de reprogrammation posturale pratiquée et introduite par Martins da Cunha dans les trente dernières années.
Le but de cet article est de signaler aux ophtalmologistes l'existence de nouvelles potentialités dans leur domaine professionnel capable d'aider les enfants dyslexiques. La pratique de cette nouvelle technique nécessite un apprentissage clinique simple. "

Docteur O. Alves Da Silva
Ophtalmologiste, Lisboa Portugal